Entrée de Robert Badinter au Panthéon : pourquoi son corps ne sera pas dans le cercueil
- James Keou: 🔷 Directeur de Publication
- il y a 3 jours
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Héros de l’abolition de la peine de mort, Robert Badinter entre ce jeudi 9 octobre au Panthéon. Mais contrairement à la tradition, son corps ne reposera pas sous la coupole du monument républicain. Un choix profondément symbolique, décidé par sa veuve, Élisabeth Badinter.

Un hommage national, mais un corps qui reste à Bagneux
Un an et demi après sa disparition, Robert Badinter rejoint les grandes figures françaises honorées par la Nation. Emmanuel Macron assistera à la cérémonie, tout comme son épouse Élisabeth Badinter. Mais dans l’entretien qu’elle a accordé à Libération, la philosophe a expliqué que le corps de son mari ne serait pas transféré au Panthéon.
« Ce qu’on voulait, c’est ne pas être séparés », a-t-elle confié. Robert Badinter restera donc enterré au carré juif du cimetière de Bagneux, à Paris, où il repose déjà. Sa femme précise qu’elle ne serait pas légitime à rejoindre le Panthéon à sa mort, préférant qu’ils demeurent ensemble dans leur sépulture actuelle.
Quatre objets à la place du corps
Dans le cercueil symbolique qui sera transféré sous la coupole, quatre objets personnels prendront la place du corps :
sa robe d’avocat, symbole de son combat pour la justice ;
trois livres : Idiss, son hommage à sa grand-mère ;
une biographie de Nicolas de Condorcet, coécrite avec son épouse ;
et Choses vues de Victor Hugo, référence à l’un des esprits humanistes qu’il admirait.
Ce choix intime, validé par l’Élysée, illustre la fidélité d’Élisabeth Badinter aux convictions de son mari : l’essentiel n’est pas la dépouille, mais l’héritage moral et intellectuel.
Un cas loin d’être isolé

Robert Badinter n’est pas le premier à entrer au Panthéon sans son corps. En 2015, les résistantes Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz y avaient fait leur entrée avec seulement une poignée de terre issue de leur tombe familiale. Leurs proches avaient refusé que leurs corps soient déplacés, un choix que l’État avait respecté « avec une grande compréhension ».
Et ces exceptions sont plus nombreuses qu’on ne le pense. L’historien Pascal Monnet rappelait déjà en 2015 qu’il est « difficile de dire ce que contient chaque caveau » du Panthéon, aucune expertise n’ayant jamais été menée.
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Mystères et symboles du Panthéon
Depuis sa création, le monument abrite autant de symboles que de restes humains. Les cas de figures varient :
Voltaire et Rousseau : on ignore encore si les ossements retrouvés leur appartiennent réellement.
Nicolas de Condorcet : entré au Panthéon en 1989, son corps n’a jamais été retrouvé après avoir été jeté dans une fosse commune en 1794.
Jean Moulin : seules les cendres « présumées » du résistant y reposent depuis 1964.
Léon Gambetta : seul son cœur a été transféré au Panthéon, dans une urne.
Louis Braille : ses mains sont restées dans sa tombe familiale de Coupvray.
Aimé Césaire, enfin, a été panthéonisé en 2011 sans que ni urne ni cendres ne soient déplacées, conformément à sa volonté d’être enterré en Martinique.
Une nouvelle page de mémoire nationale
Robert Badinter devient la septième personnalité honorée au Panthéon sous la présidence d’Emmanuel Macron, après Joséphine Baker, Maurice Genevoix, le couple Veil et les époux Manouchian. En juin 2026, ce sera au tour de Marc Bloch, historien et résistant fusillé par les nazis, d’y faire son entrée.
Avec cette cérémonie, la République célèbre un homme qui a incarné la dignité humaine face à la barbarie judiciaire. Et si son corps ne repose pas sous la coupole, son esprit, lui, y demeurera à jamais.