Syrie : fracture chez les alaouites
- MANAA Norredine 🔶 Journaliste

- il y a 15 heures
- 3 min de lecture

De Homs à Lattaquié, la rue alaouite arabe en ébullition : une colère qui interroge le destin même de la Syrie
De Homs à Lattaquié, en passant par Tartous et Jableh, la rue alaouite arabe gronde. Depuis plusieurs jours, des milliers de membres de cette communauté longtemps considérée comme l’un des piliers du pouvoir manifestent leur colère. Une mobilisation aussi inédite que lourde de sens, révélatrice d’un bouleversement profond dans un pays où la peur avait, jusqu’ici, bâillonné presque toutes les contestations.
Un choc déclencheur dans une région à vif
L’élément déclencheur a été le meurtre d’un couple bédouin dans Homs, immédiatement instrumentalisé comme un acte à caractère confessionnel après l’apparition de graffitis sectaires. En représailles, des miliciens bédouins ont attaqué des quartiers alaouites arabes : incendies de maisons, tirs, intimidations, scènes de chaos. Le couvre-feu imposé par les autorités n’a pas suffi à contenir la panique.
Mais pour les Alaouites arabes, cet épisode n’est pas un accident : il est le symptôme d’un sentiment plus profond d’abandon, d’insécurité et d’injustice. Ce qui explique pourquoi les manifestations ont si rapidement gagné les villes côtières, cœur historique de cette communauté.
La peur, les représailles et un malaise qui explose
Dans plusieurs villes, les protestataires ont été accueillis par des tirs de sommation, parfois par des balles réelles. Des blessés, des arrestations, des disparitions, la répression se mêle à la peur. Les familles craignent les enlèvements, notamment de femmes et de jeunes filles. La violence communautaire, que beaucoup espéraient enterrée, refait surface. Surtout, quelque chose s’est brisé : pour une partie des Alaouites arabes, la promesse de protection qui n’existe plus. Le contrat implicite fidélité contre sécurité semble rompu.
Un réveil politique qui recompose la Syrie
Ce soulèvement va bien au-delà d’un simple épisode de tensions locales. C’est un réveil politique dans une communauté que l’on croyait définitivement fixée dans un soutien massif ou au moins résigné au pouvoir. Les slogans parlent de justice, de dignité, de droits. Certains demandent des réformes, d’autres un statut plus autonome pour la côte syrienne, signe d’une défiance grandissante envers Damas.
Une question dérangeante : défendre Assad… ou détruire la Syrie ?
À mesure que les violences s’étendent et que la colère s’exprime au grand jour, une question que beaucoup chuchotaient commence à se poser ouvertement dans la rue alaouite arabe :
Dix ans de guerre, des centaines de milliers de morts, des villes rasées… Les alaouites s'interroge : on voulait la chute de Assad ou détruire la Syrie ?
Pour une partie des manifestants, l’idée que leur communauté a été sacrifiée sur l’autel de la survie d’un système politique est désormais omniprésente. Ils se sentent aujourd’hui exposés, appauvris, vulnérables, sans garanties de sécurité ni avenir clair.
Cette interrogation n’est pas seulement un jugement : elle révèle une fracture historique. Elle exprime l’idée que le prix payé en vies, en exode, en destruction dépasse largement le bénéfice promis.

Un tournant qui pourrait redessiner le pays
La contestation est un avertissement majeur. Elle montre que la Syrie n’est plus seulement divisée entre anciens partisans et opposants : elle traverse désormais une crise interne au cœur même du régime d’al-Sharra, qui avait promis une Syrie unie et stable. Si le pouvoir réprime trop violemment ces manifestations, il risque de transformer une colère locale en défi national, mettant en péril sa légitimité.
Si, au contraire, il choisit l’inaction, la communauté alaouite arabe longtemps marginalisée dans l’histoire syrienne redoute à nouveau d’être stigmatisée sur des bases confessionnelles, ravivant un sentiment d’insécurité et de vulnérabilité.
Dans ce contexte explosif, la Syrie s’enfonce dans l’incertitude politique et sociale, et la promesse d’unité nationale d’al-Sharra apparaît désormais comme un défi lointain et fragile.
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Une chose est sûre : dans les rues de Lattaquié comme de Homs, ce n’est pas seulement la misère ou la violence qui mobilise c’est une question existentielle. La Syrie peut-elle encore être sauvée ?






























