" Suppression de la réforme des retraites " : derrière les annonces de Sébastien Lecornu, la continuité du macronisme.
- MANAA Norredine 🔶 Journaliste
- il y a 2 jours
- 3 min de lecture

Au lendemain d’un discours de politique générale particulièrement bref, le Premier ministre Sébastien Lecornu a réussi à éviter une motion de censure, notamment grâce à la décision du Parti socialiste de ne pas faire tomber le gouvernement. Une décision qui, pour certains observateurs, révèle davantage un positionnement stratégique qu’un réel alignement politique. Derrière les gestes d’ouverture apparente, les annonces du Premier ministre soulèvent de nombreuses interrogations, tant sur leur sincérité que sur leur portée réelle.
Des annonces spectaculaires, mais peu engageantes
1. Suspension de la réforme des retraites : une manœuvre tactique
La suspension annoncée de la réforme des retraites peut apparaître comme un geste d'apaisement. Pourtant, cette décision, loin d’être une réelle concession, semble avant tout stratégique : elle permet au gouvernement de gagner du temps, sans pour autant remettre en cause le fond de la réforme. Aucune garantie n’est donnée quant à l’ouverture d’un véritable débat démocratique sur une possible abrogation, pourtant souhaitée par une majorité de Français et de parlementaires.
2. Abandon du 49.3 : une promesse contournable
Sébastien Lecornu a insisté sur une nouvelle méthode de gouvernance : le respect du débat parlementaire, sans recourir à l'article 49.3 de la Constitution. Toutefois, cette promesse comporte des limites structurelles. Le gouvernement, composé uniquement de membres issus de la majorité présidentielle et de la droite, reste seul maître des textes proposés. Ces derniers devraient donc suivre les grandes lignes du programme macroniste : réduction du coût du travail, flexibilisation de la protection sociale, pressions accrues sur les demandeurs d’emploi, et durcissement des politiques migratoires. Autant de mesures auxquelles la gauche parlementaire s'opposera quasi systématiquement.
Un budget inégalitaire et une stratégie budgétaire biaisée
La présentation du budget constitue un test décisif. Le projet actuel, selon ses critiques, est marqué par une austérité ciblée : gel des pensions, des prestations sociales et des salaires dans la fonction publique, tout en épargnant les plus fortunés via un impôt sur les holdings jugé symbolique.

Deux scénarios sont à prévoir :
Si les débats excèdent le délai constitutionnel de 70 jours, le gouvernement pourrait adopter le budget par ordonnance. Le Premier ministre resterait alors maître de la version finale du texte, contournant ainsi le 49.3 tout en obtenant un résultat similaire.
Si les débats se concluent dans les délais, un vote global aura lieu. La question est alors de savoir si une majorité pourra réellement se dégager pour soutenir un texte de compromis. Comment imaginer que la majorité présidentielle accepte une « taxe Zucman » significative, ou que le Parti socialiste valide un budget qui inclurait la suppression de l’aide médicale d’État ? De telles lignes rouges, franchies de part et d'autre, pourraient mener à un rejet du texte final.
Dans ce cas, c’est la version initiale du budget – celle du gouvernement – qui pourrait progresser jusqu’au Sénat, majoritairement à droite, avant d’atterrir en commission mixte paritaire (CMP). Comme le montre l’expérience récente (ex. loi Duplomb), cette commission favorise souvent les positions gouvernementales.
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Une suspension sans rupture réelle
Les mesures annoncées par Sébastien Lecornu ne constituent pas une rupture véritable avec la logique du précédent quinquennat. Derrière la façade du dialogue parlementaire, la ligne politique demeure inchangée. L’absence de recours au 49.3 n’empêche pas l’adoption de mesures impopulaires, et les marges de négociation réelles semblent limitées.
Le Parti socialiste, en choisissant de ne pas censurer le gouvernement, a peut-être offert un sursis à l’exécutif. Mais à quel prix politique ? Comme l’a affirmé Olivier Faure : « Si le changement de cap n’est pas au rendez-vous, nous vous censurerons immédiatement. » Or, pour de nombreux observateurs, aucun cap nouveau n’a été amorcé – et les fondamentaux du macronisme restent intacts.