top of page

Parcours du combattant, processus interminables, ghosting, discrimination : le recrutement à la française part en vrille

« Parcours du combattant, processus interminables, ghosting, discrimination : le recrutement à la française part en vrille
CV caricatural du mouton à cinq pattes


À 9h30, Léa, 32 ans, consulte LinkedIn pour la troisième fois de la matinée. Depuis deux semaines, elle a postulé à plus de 50 offres et n’a obtenu… qu’un seul entretien. Elle cherche un poste de responsable de compte.

« Je me demande encore pourquoi j’ai été retenue, et pourquoi toutes les autres candidatures restent silencieuses », confie-t-elle. « C’est décourageant. On a l’impression que tout est arbitraire, et que les recruteurs se sentent tout puissants. »

Léa n’est pas seule. Des milliers de chercheurs d’emploi vivent chaque jour ce que les experts appellent un “parcours chronophage”, où la longueur des processus et l’absence de transparence reflètent souvent l’ego des recruteurs et le pouvoir qu’ils exercent, plus que la nécessité de trouver le meilleur candidat.


RH : ego et pouvoir plutôt que compétence

On pourrait penser qu’un recruteur expérimenté est capable de détecter rapidement le bon profil. Pourtant, les entreprises multiplient les entretiens, exercices en tout genre et tests psychotechniques, études de cas, parfois jusqu’à six étapes pour un poste qui pourrait être évalué en deux rendez-vous.

Quelle réelle compétence possèdent ces RH, quand un recrutement prend des semaines, voire des mois, épuisant les candidats et mobilisant des équipes entières pour un seul poste ? Un RH expérimenté et compétent devrait pouvoir se faire un avis en deux entretiens maximum, car c’est le cœur de son métier et sa compétence principale. "Trop souvent, les recruteurs semblent animés par leur ego et leur pouvoir'" (...) constate Léa relance après relance, " plus que par l’efficacité de la sélection". L’impression laissée est celle d’un processus qui flatte l’ego des recruteurs, au détriment du temps et de l’investissement des candidats.


Processus chronophages et investissement invisible

Le parcours type d’un candidat inclut :

  • la rédaction d’une lettre et d’un CV pour chaque offre,

  • tests psychotechniques ou exercices en tout genre, parfois répétitifs et inutiles,

  • entretiens multiples avec différents responsables ou managers, souvent réalisés en visioconférence,

  • préparation d’entretien : se renseigner sur l’entreprise, préparer réponses et questions, un investissement légitime souvent non valorisé,

  • parfois une sélection finale avec encore des exercices supplémentaires ou présentations vidéo à envoyer au recruteur.

Le résultat est clair : de nombreux candidats postulent à plus de 150 offres pour obtenir un seul entretien en moyenne, consacrant des dizaines d’heures à des démarches qui n’aboutissent souvent pas, malgré l’usage de visio et de vidéos qui devraient accélérer le processus.



LinkedIn, Indeed et formulaires chronophages

Les plateformes comme LinkedIn, Indeed, Welcome to the Jungle, Hellowork ou les sites entreprises amplifient le problème :

  • annonces ouvertes avec plus de 100 candidats,

  • répétition de la même offre page après page,

  • redirection vers le site des avec création de compte et remplissage de formulaires longs, même si le CV contient déjà toutes les informations demandées.

« On se sent comme un produit qu’on alimente dans une base de données, plutôt qu’un candidat évalué sérieusement », explique Sophie, 29 ans. Même avec des entretiens en visio et des présentations vidéo, la sélection finale prend toujours des semaines, voire des mois, ce qui laisse le candidat dans l’incertitude et l’épuisement.

Ghosting et absence d’argument : le quotidien des candidats

Le ghosting, c’est-à-dire l’absence totale de réponse à une candidature, est devenu une norme. Certains responsables invoquent : « nous recevons trop de candidatures ». Mais Léa et Marc voient la réalité différemment : « Si vous ne pouvez pas traiter plus de 100 candidatures, limitez les offres à 20. C’est beaucoup plus professionnel », suggère Léa.

Lorsqu’un refus est communiqué, aucun argument n’est fourni, laissant les candidats dans l’incertitude et accentuant le stress.


Compétition malsaine et incertitude

Le marché de l’emploi est devenu une compétition malsaine entre candidats. On ignore souvent pourquoi une candidature est retenue ou rejetée. Le favoritisme, le piston ou les discriminations rendent la sélection opaque, mettant le moral des candidats à rude épreuve. « On a l’impression que certains obtiennent le poste grâce à des relations, et d’autres se font éliminer sans raison. Ça use le moral », confie Marc.


Institutions et agences : un paradoxe frustrant

France Travail peine à mettre en relation offres et candidats. Les agences d’intérim, elles, déclarent parfois que la période est « calme », mais les postes restent non pourvus. Résultat : les candidats sont coincés entre promesses et réalité, et l’effort fourni devient disproportionné par rapport aux retours obtenus.


Discrimination et favoritisme

Âge, origine, genre ou apparence continuent de jouer un rôle invisible mais puissant. Les candidats ne savent jamais vraiment pourquoi une candidature est retenue ou rejetée, ce qui alimente un sentiment d’injustice et une compétition malsaine.

Ali, ingénieur d’origine maghrébine, a expérimenté le même problème : malgré ses compétences, ses candidatures restaient systématiquement ignorées. Après avoir changé son prénom en Alain, ses recherches se sont améliorées et il a obtenu deux entretiens pour un poste de responsable technique. « C’est frustrant de constater que le nom seul peut influencer les réponses. Mais au moins, cela montre qu’il existe un biais réel à combattre », explique-t-il.


Un exode vers l’étranger : ailleurs, recruter est plus simple, plus humain et plus rapide

Face à la complexité, à la lenteur et à l’opacité du marché de l’emploi en France, de plus en plus de candidats se tournent vers l’étranger, où les processus sont souvent plus courts, plus transparents et plus respectueux du temps des postulants.

Aux États-Unis, au Canada, aux Émirats Arabes Unis, au Qatar, en Espagne ou encore en Malaisie, beaucoup de systèmes de recrutement misent davantage sur la personnalité, la motivation et les soft skills. Les procédures y sont plus directes :

  • moins d’étapes,

  • moins de tests superflus,

  • moins d’entretiens interminables,

  • et surtout une réelle considération pour le candidat.


    « J’ai postulé en Allemagne et aux Pays-Bas, puis aux États-Unis et au Canada. Le processus était clair, efficace et respectueux. Ils veulent savoir qui vous êtes, pas combien de cases vous pouvez cocher. En France, j’avais l’impression d’être en compétition permanente contre un mur », raconte Léa.


Cette dynamique s’observe aussi aux Émirats et au Qatar, où les processus sont rapides parfois une semaine entre le premier contact et une proposition et où l’on valorise surtout la capacité d’adaptation, l’énergie et l’expérience du candidat. En Espagne ou en Malaisie, même constat : moins de barrière, plus d’humain, et une relation plus simple entre recruteur et candidat. Ce contraste met en évidence un malaise profond : en France, chercher un emploi peut ressembler à un travail à plein temps, tandis qu’ailleurs, le recrutement est pensé comme un échange professionnel efficace, pas comme un parcours du combattant.


Une fuite des talents vers le Maghreb, les pays du Golfe… et désormais l’Afrique subsaharienne

Un phénomène déjà perceptible s’est nettement accéléré cette année : de plus en plus de Français issus de l’immigration qu’ils soient d’origine maghrébine ou subsaharienne choisissent de poursuivre leur carrière à l’étranger, là où leurs compétences sont plus directement reconnues.

Pour les Français d’origine maghrébine, les destinations privilégiées restent le Maroc, la Tunisie, l’Algérie, mais aussi les Émirats arabes unis, le Qatar ou l’Arabie Saoudite. Ces pays cherchent activement à attirer cette matière grise formée en France, appréciée pour son expertise et sa polyvalence.

Mais cette année, on observe également la même dynamique chez les Français originaires d’Afrique subsaharienne, qui trouvent dans leurs pays d’origine notamment au Sénégal ou en Côte d’Ivoire  des opportunités professionnelles plus accessibles, plus rapides et souvent plus valorisantes.

Dans des économies ouest-africaines en forte croissance, les entreprises locales voient dans ces profils formés en France un double avantage : une formation solide et une compréhension culturelle à la fois locale et internationale.


Les candidats, eux, évoquent plusieurs raisons à leur départ :

  • des discriminations persistantes sur le marché de l’emploi en France,

  • un nombre démesuré de candidatures envoyées sans réponse,

  • une difficulté à décrocher un simple entretien malgré les diplômes,

  • une stigmatisation accrue dans le débat public,

  • et l’impression d’être jugés sur leur nom, leur origine ou leur religion plutôt que sur leurs compétences.


    « Je suis né et diplômé en France, mais chaque candidature était un parcours du combattant. À Dubaï, j’ai été recruté en deux semaines », raconte Yassine*, ingénieur franco-algérien. « En France, je n’avançais pas. À Abidjan, j’ai trouvé un poste en un mois, et on me respecte pour ce que je sais faire », témoigne Fatou*, consultante franco-ivoirienne.


Résultat : tandis que la France peine à retenir ces talents qu’elle a formés, d’autres pays du Maghreb aux Émirats, en passant par l’Afrique de l’Ouest en bénéficient pleinement. Un paradoxe qui se renforce cette année, et qui interroge profondément le fonctionnement du marché du travail français.




Un système à réformer

Le marché de l’emploi en France souffre d’un mélange d’exigences démesurées, de processus chronophages, de ghosting, de formulaires inutiles, de compétitions malsaines, amplifié par des recruteurs dont on peine à saisir l’expertise, tant les processus qu’ils imposent sont longs, complexes et épuisants pour les candidats.

  • simplifier les processus et limiter le nombre d’entretiens,

  • répondre aux candidatures et fournir des arguments en cas de refus,

  • fermer les offres après un nombre raisonnable de candidatures,

  • supprimer les formulaires inutiles et éviter la répétition d’annonces,

  • valoriser le temps et l’investissement des candidats, y compris la préparation, les recherches et les présentations vidéo,

  • restaurer la transparence et réduire la compétition malsaine.

En l’état actuel, chercher un emploi en France ressemble trop souvent à un travail à plein temps pour un résultat incertain.


Chiffres clés du parcours du candidat

  • Candidatures moyennes pour un entretien : 150

  • Entretiens par poste : 2 à 6, souvent en visio

  • Durée moyenne d’un processus : 4 à 8 semaines, parfois plusieurs mois

  • Temps moyen consacré aux tests, exercices, formulaires, présentations vidéo et préparation d’entretien : 20 à 40 heures

  • Candidatures restées sans réponse (ghosting) : 60 à 70 %

  • Refus sans argument : 80 %

  • Plateformes utilisées en moyenne : 5 (LinkedIn, Indeed, sites entreprises, Welcome to the Jungle, Hellowork)

  • Annonces répétées ou toujours ouvertes malgré 100+ candidatures : fréquent


Rejoignez notre liste de diffusion

Faire un don symbolique

Aidez-nous à faire la différence. C’est grâce à votre soutien que nous pouvons rester neutres et objectifs dans notre travail.

Donation
10 €
20 €
30 €

© 2025 Bsean Media TV

  • Twitter
  • Facebook
  • Instagram
  • TikTok
  • Youtube

Recevez l'actualité mondiale dans votre messagerie et restez aux premières loges de l'info! Abonnez-vous à notre newsletter

Publicités Sponsorisées

bottom of page