RDC : Le Sénat lève l’immunité parlementaire de Joseph Kabila, ouvrant la voie à des poursuites judiciaires
- Bleichner Lucie 🔸 Rédactrice 🔸
- il y a 1 jour
- 2 min de lecture

Le Sénat de la République démocratique du Congo (RDC) a voté, jeudi 22 mai, la levée de l’immunité parlementaire de Joseph Kabila, ancien président de la République et sénateur à vie. Cette décision ouvre la voie à des poursuites judiciaires engagées par le gouvernement, qui l’accuse de « participation directe » aux activités du groupe rebelle M23.

Dirigeant du pays de 2001 à 2019, M. Kabila, 53 ans, avait conservé un statut de sénateur à vie, assorti d’une immunité parlementaire. Dans un contexte d’escalade du conflit armé à l’est du pays, le président actuel, Félix Tshisekedi, l’accuse de collusion avec le M23, un groupe rebelle soutenu par le Rwanda et accusé d’avoir pris le contrôle de plusieurs zones stratégiques dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.
Un vote sans appel au Sénat
Réunis en séance plénière, les sénateurs congolais se sont prononcés à bulletins secrets : 88 voix pour, cinq contre. Ils ont validé les conclusions d’une commission spéciale composée de quarante membres, tous favorables à la levée de l’immunité. « Le Sénat autorise les poursuites et la levée de l’immunité de Joseph Kabila, sénateur à vie », a déclaré Jean-Michel Sama Lukonde, président du Sénat, lors d’une session retransmise en direct à la télévision nationale.

Dès avril, le ministre congolais de la Justice, Constant Mutamba, avait sollicité la justice militaire pour entamer des poursuites. L’auditeur général près la Haute Cour militaire accuse Joseph Kabila de participation à un mouvement insurrectionnel, trahison, crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Une procédure controversée
Si la décision du Sénat n’a guère surpris, elle soulève néanmoins des interrogations juridiques et politiques. Certains constitutionnalistes estiment qu’une telle levée d’immunité aurait dû nécessiter un vote à la majorité des deux tiers du Parlement, et non du seul Sénat. L’argument avancé par la commission ad hoc : les faits reprochés relèveraient de ses actes en tant que sénateur, et non de son mandat présidentiel.
Pour Ferdinand Kambere, secrétaire général adjoint du PPRD, le parti de M. Kabila, cette décision s’apparente à « un théâtre politique » destiné à détourner l’attention des difficultés du pouvoir en place à rétablir la paix dans l’Est. Ithiel Batumike, chercheur à l’institut congolais Ebuteli, va plus loin, dénonçant « un acte politique » visant à « fragiliser un adversaire ».
Le retour annoncé, les tensions ravivées

Cette initiative judiciaire intervient alors que Joseph Kabila avait annoncé son intention de revenir en RDC « par sa partie orientale », sans préciser son itinéraire exact. Cette déclaration a provoqué une série de perquisitions dans ses résidences, tandis que son parti a été suspendu. Depuis, aucune preuve tangible ne permet de confirmer sa présence sur le territoire congolais.
L’affaire Kabila, au-delà de ses implications judiciaires, cristallise les tensions politiques dans un pays déchiré depuis des décennies par des conflits récurrents à l’est, sur fond de rivalités régionales, de luttes d’influence et d’enjeux économiques liés à l’exploitation des ressources naturelles.