Sommet de l’Alliance des États du Sahel : l’intégration fragile sans l’Algérie
- MANAA Norredine 🔶 Journaliste
- il y a 2 jours
- 3 min de lecture

Les 22 et 23 décembre prochains, Ibrahim Traoré (Burkina Faso), Assimi Goïta (Mali) et Abdourahamane Tiani (Niger) se réuniront à Bamako pour le deuxième sommet des chefs d’État de l’Alliance des États du Sahel (AES). L’objectif affiché : consolider une alliance née il y a un peu plus d’un an autour de la sécurité, de la coordination diplomatique et de l’intégration économique dans la région.
Mais derrière les annonces et les communiqués officiels, où en est réellement cette coopération régionale ?
Sécurité : pilier fondateur de l’Alliance
Depuis sa création, l’AES a mis la sécurité au centre de ses priorités. Des opérations militaires conjointes ont été lancées pour contenir les groupes armés et terroristes qui sévissent dans le Sahel, notamment au Mali, au Burkina Faso et au Niger.
Des exercices coordonnés ont été organisés entre les armées, et certains détachements partagent désormais renseignement et logistique. Sur le terrain, les résultats restent mitigés : si certaines zones ont été sécurisées temporairement, les attaques terroristes persistent, soulignant les limites opérationnelles et logistiques de l’Alliance.
L’intégration militaire a donc progressé, mais elle reste encore incomplète, freinée par des moyens financiers limités et des différences tactiques entre États membres.
Économie : ambitions et défis
La dimension économique de l’AES vise à créer une coopération concrète autour du commerce, des infrastructures et de la politique publique.
Des projets de routes transfrontalières et de corridors commerciaux sont en cours pour faciliter la circulation des biens et des services. La mise en place de politiques publiques alignées, notamment sur la fiscalité et la réglementation des marchés, demeure lente. Les pays membres font face à une crise budgétaire et sociale, accentuée par l’insécurité, ce qui complique la réalisation des ambitions économiques.
L’intégration économique reste donc au stade embryonnaire, mais le sommet de Bamako pourrait offrir l’occasion de débloquer certains projets clés.
Justice et diplomatie : coordination ou défis ?
Au-delà de la sécurité et de l’économie, l’AES veut promouvoir une justice régionale cohérente et une diplomatie commune.
Les États membres cherchent à harmoniser leurs politiques judiciaires, notamment dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière, et à parler d’une seule voix face aux partenaires internationaux, à commencer par la CEDEAO, l’Union africaine et l’Union européenne.
Cependant, les divergences politiques et les pressions extérieures rendent ces ambitions difficiles à concrétiser.
L’Algérie : puissance régionale et économique, un acteur clé
De nombreux analystes soulignent que l’AES ne pourra pleinement porter ses fruits sans l’implication de l’Algérie, puissance régionale et économique majeure du Sahel.
L’Algérie dispose d’une influence politique et sécuritaire significative, capable de favoriser la médiation entre États membres et d’apporter une coordination plus large avec les forces internationales. Avec ses liens tribaux et culturels (notamment avec les populations touareg), l’Algérie joue un rôle historique de pivot sécuritaire et diplomatique dans le Sahel. Son poids économique et sa stabilité relative pourraient également renforcer les projets d’intégration régionale, notamment en matière d’infrastructures, de commerce et de financement des initiatives communes.
Sans cette implication, l’AES risque de rester limitée à un cercle restreint, et ses ambitions régionales pourraient être compromises.
Bilan : un pari à mi-chemin
Entre les annonces ambitieuses et les réalisations tangibles, l’AES se trouve aujourd’hui à un moment charnière.
Sur le plan militaire, des progrès existent mais la sécurité reste précaire. Sur le plan économique, des projets sont lancés, mais leur mise en œuvre est lente. Sur le plan judiciaire et diplomatique, l’alignement reste fragile, soumis aux contraintes locales et régionales.
Le sommet de Bamako sera l’occasion de tester la capacité des États membres à transformer les ambitions en résultats concrets, et d’évaluer le rôle que l’Algérie, en tant que puissance régionale et économique, acceptera de jouer pour consolider cette alliance.
En chiffres
Sécurité : 3 opérations militaires conjointes lancées en 2025, mais +150 attaques terroristes recensées dans la zone AES.
Économie : 2 corridors commerciaux prioritaires en chantier, 5 projets d’infrastructures transfrontalières planifiés.
Justice et diplomatie : 3 protocoles de coopération signés, mais encore 0 mécanisme judiciaire pleinement opérationnel.
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L’Alliance des États du Sahel se construit pas à pas, entre ambitions et réalités du terrain. La sécurité, l’économie et la justice restent des chantiers ouverts, et l’implication de l’Algérie apparaît cruciale pour transformer cette alliance fragile en moteur de stabilité et de coopération régionale.
Le sommet de Bamako pourrait bien être un moment décisif pour mesurer la maturité et le potentiel réel de cette intégration sahelo-africaine.



















