Le Vietnam, où Vladimir Poutine effectue ce jeudi une visite d’État d’un jour après la Corée du Nord, est un allié de longue date et acheteur fidèle d’armes russes. Avant son arrivée, le président russe a remercié Hanoï pour son approche « équilibrée » sur l’Ukraine, dans une tribune publiée dans le journal du Parti communiste vietnamien (PCV) au pouvoir. La Russie et le Vietnam partagent aussi une lecture « similaire » de la situation en Asie-Pacifique, a-t-il soutenu.
Et ce midi, le maître du Kremlin a rencontré son homologue To Lam, dans le palais présidentiel, lors d’une cérémonie formelle avec des coups de canon et des militaires au garde-à-vous. Dans les rues de Hanoï, mercredi, la présence de drapeaux russes et d’un important dispositif de sécurité témoignaient de l’accueil prévu par les dignitaires locaux, à la hauteur de la longue histoire qui unit les deux pays depuis l’ère soviétique. 20 Minutes fait le point sur cette viste d’État alors que le dernier déplacement de Vladimir Poutine au Vietnam remonte à 2017.
Mais pourquoi Moscou et Hanoï s’entendent-ils bien ?
La proximité entre Hanoï et Moscou tire ses racines de l’époque soviétique. Durant des décennies, l’URSS a formé des cadres du parti communiste vietnamien (PCV), dont Ho Chi Minh, le père de l’indépendance, qui s’est rendu sur place pour la première fois en 1923.
Durant la guerre du Vietnam, le pouvoir soviétique a fourni armes, avions de chasse, tanks et des milliers de soldats à son allié du Nord, en réponse à l’intervention directe de Washington qui soutenait le Sud capitaliste. Depuis l’effondrement de l’URSS, la Russie continue de jouir d’une image positive au Vietnam, qui a pris le tournant de l’économie de marché dans les années 1980. En 2012, Hanoï a hissé Moscou au rang de partenaire « stratégique spécial », soit le plus haut degré de coopération après la Chine (2008), mais avant les Etats-Unis (2023).
Que vient faire/dire/montrer Vladimir Poutine ?
Il s’agit d’une opportunité pour le président russe de montrer qu’il dispose d’un allié « économique et politique de plus en plus courtisé par l’Occident », explique Huong Le Thu, directrice adjointe du programme Asie du centre de réflexion International Crisis Group. Le Vietnam, cent millions d’habitants, représente en effet un marché à fort potentiel pour la Russie, sous le coup de sanctions occidentales, d’autant plus que le volume des échanges entre les deux pays (3,5 milliards de dollars en 2022) reste très inférieur aux niveaux constatés entre le Vietnam et la Chine (175 mds USD) ou les Etats-Unis (123 mds USD).
La visite de M. Poutine doit permettre améliorer la coopération dans les domaines de l’investissement, des technologies, de l’énergie, ou de la sécurité, a indiqué mercredi l’ambassadeur russe à Hanoï, cité par un média d’État vietnamien.
Que risque Hanoï en accueillant Vladimir Poutine ?
En accueillant Vladimir Poutine, visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), Hanoï – qui ne reconnaît pas la CPI – risque la réprobation de ses partenaires occidentaux que le régime communiste tente également de choyer. La politique étrangère du régime est régie par les principes souples de la « diplomatie du bambou », cherchant à éviter de s’associer trop étroitement à une grande puissance.
Mais la guerre en Ukraine a rendu difficile ce jeu d’équilibriste (entre pragmatisme et prudence), selon des experts. D’autant que Vladimir Poutine doit rencontrer ce jeudi le secrétaire général du PCV, Nguyen Phu Trong, considéré comme la personnalité la plus influente du régime communiste. Le dirigeant de 80 ans a passé une partie de ses études en URSS, dans les années 1980.
La visite de Poutine représente donc « un test pour voir à quel point la diplomatie multidirectionnelle de Hanoï peut aller loin, et si elle est toujours acceptée par les autres puissances majeures », explique Huong Le Thu, directrice adjointe du programme Asie du International Crisis Group. Et il faut aussi garder en tête que le Vietnam n’a ainsi pas participé au premier sommet pour la paix en Ukraine, organisé en Suisse mi-juin. Tandis qu’Hanoï pourrait également chercher le soutien de Moscou pour intégrer le groupe des Brics.
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