Sansal est de retour : figure littéraire ou relais discret de Tel-Aviv ?
- MANAA Norredine 🔶 Journaliste

- 14 nov.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 14 nov.

Boualem Sansal, ex-haut fonctionnaire sous Bouteflika devenu écrivain en France, revient libre après un an de prison en Algérie
Ancien haut fonctionnaire du régime de Abdelaziz Bouteflika, où il fut notamment directeur de cabinet au ministère de l’Industrie, Boualem Sansal n’était pas seulement un technocrate respecté : il a longtemps appartenu au cœur de l’appareil d’État algérien avant de basculer dans une carrière littéraire en France. Devenu écrivain reconnu et souvent soutenu par une partie des milieux intellectuels parisiens, notamment au sein du CRIF, il s’est imposé comme une voix critique très critique à l’égard du nouveau pouvoir algérien. Des positions, notamment sur Israël, jugées provocatrices en Algérie et perçues comme une atteinte à la ligne diplomatique nationale, ont contribué à alimenter la colère d’Alger à son égard.
Gracié après un an d’emprisonnement
Boualem Sansal a été gracié mercredi par le président algérien Abdelmadjid Tebboune après un an de détention dans des conditions très strictes. Cette décision intervient après l’intervention officielle du président allemand Frank-Walter Steinmeier, épisode diplomatique qui souligne la sensibilité politique du dossier.
Hospitalisé en Allemagne après sa libération, l’écrivain a rapidement fait savoir qu’il comptait revenir en France dans les tout prochains jours. Dans un entretien téléphonique avec le prix Goncourt 2024 Kamel Daoud, publié dans Le Point, Sansal confie :« Je vais être à Paris demain [vendredi] ou dans deux jours… »
Il assure être resté robuste malgré son incarcération :« Je suis costaud […] Je ne vais pas être détruit par une petite année de prison. »
Un isolement total en prison : “J’étais coupé du monde”
L’auteur du Serment des barbares et du Village de l’Allemand décrit les conditions difficiles de sa détention dans un quartier de très haute sécurité :« J’étais comme coupé du monde, sauf les visites de Naziha (mon épouse).» «Je n’avais pas vraiment le droit de parler souvent aux autres prisonniers.» Ces éléments, confirmés par son entourage, décrivent un isolement presque total, qui avait suscité des inquiétudes internationales sur son état de santé.
“Boualem revient. On va gagner !”
À peine arrivé en Allemagne, Sansal a lancé un message très politique : «Bonjour la France, Boualem revient. On va gagner ! » Optimiste quant à l’évolution des relations entre Paris et Alger, il estime que l’implication de Berlin dans les négociations pourrait faciliter un apaisement : «Il y a une jonction astrale qui est bonne […] On m’a raconté un peu les dessous des négociations. »
Un écrivain controversé en Algérie
La situation de Boualem Sansal s’inscrit dans une relation complexe et souvent conflictuelle entre l’auteur et les autorités algériennes. Plusieurs éléments avaient provoqué son arrestation :
ses relations affichées avec Israël, un déplacement à Tel-Aviv largement médiatisé
des déclarations jugées offensantes pour la souveraineté algérienne,
et une proximité avec certaines organisations en France, dont le CRIF, perçue à Alger comme un positionnement politique assumé.
Pour ses proches, il s’agit de la conséquence directe de son franc-parler. Pour le gouvernement algérien, ses actes avaient franchi les lignes rouges.

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Une libération aux implications diplomatiques
La grâce présidentielle accordée à Sansal intervient dans un contexte où l’Algérie cherche à maintenir une relation stable avec l’Allemagne, tout en conservant sa fermeté sur les questions sensibles touchant à Israël et à la souveraineté nationale. En France, son retour imminent suscite déjà l’attention des milieux littéraires et politiques.
Boualem Sansal, 75 ans, n’a jamais cessé d’alimenter débats et polémiques : pour certains, il est un chantre de la liberté ; pour d’autres, un écrivain instrumentalisé, voire un agent au service de Tel-Aviv.






























