Les taxes de trop
Au Kenya, la crise découlant des protestations contre les nouvelles taxes a pris un tour violent le mardi 25 juin. En milieu de journée, la police a ouvert le feu dans les rues de Nairobi, utilisant des balles réelles, comme l'a rapporté Amnesty International, signalant de «nombreux blessés». La Commission kényane des droits humains a témoigné que la police avait «tiré sur quatre manifestants, en tuant un». Le bilan humain pourrait s'alourdir, des journalistes de l'Agence France Presse ayant observé trois corps sans vie, entourés de flaques de sang, près du Parlement.
Des manifestants ont réussi à entrer dans l'enceinte du Parlement, où se débattait le controversé projet de budget à l'origine des protestations, devant être voté avant le 30 juin. Des centaines de jeunes ont brisé les barrages policiers et franchi les grilles du bâtiment. Des vidéos diffusées en direct sur les réseaux sociaux ont montré un incendie prenant dans l'un des édifices. La police a finalement repris le contrôle de la zone parlementaire après quelques dizaines de minutes. Des images télévisées ont montré des salles saccagées, des tables renversées, des fenêtres brisées et des
meubles en feu jonchant les jardins.
Un face-à-face tendu a eu lieu entre des dizaines de manifestants et les forces de police autour du Parlement, renforcées par trois camions militaires, selon des journalistes de l'AFP sur place. À quelques centaines de mètres, la police a utilisé un canon à eau pour éteindre un incendie dans les bureaux du gouverneur de Nairobi, comme montré par la chaîne Citizen TV.
Mardi matin, les manifestants, principalement des jeunes brandissant des drapeaux kényans, des sifflets ou des vuvuzelas, ont affronté un important dispositif policier dans le centre d'affaires. Les forces de l'ordre ont d'abord utilisé du gaz lacrymogène, puis des balles en caoutchouc. Les affrontements ont éclaté lorsque les manifestants ont progressé vers une zone abritant des bâtiments officiels tels que la Cour suprême et la mairie de Nairobi. Certains ont lancé des pierres en direction des policiers, donnant lieu à
des échanges tendus à quelques centaines de mètres du Parlement.
Initialement pacifique, le mouvement baptisé « Occupy Parliament » a été lancé sur les réseaux sociaux après la présentation, le 13 juin, du projet de budget 2024-2025 au Parlement. Ce projet prévoyait l'introduction de nouvelles taxes, dont une TVA de 16 % sur le pain et une taxe annuelle de 2,5 % sur les véhicules particuliers. Bien que justifiées par le gouvernement pour redonner des marges de manœuvre à un pays fortement endetté, ces taxes ont suscité un vif mécontentement alors que l'inflation au Kenya atteignait 5,1 % en mai, avec des augmentations de prix de 6,2 % pour les produits alimentaires et de 7,8 % pour les carburants, selon la Banque centrale.
La Génération Z au coeur du mouvement
Initialement porté par la « Génération Z », le mouvement s'est élargi pour devenir une critique plus générale de la politique du président Ruto. En marge des manifestations, deux décès avaient déjà été enregistrés à Nairobi. Le gouvernement avait annoncé le 18 juin le retrait de la plupart des mesures fiscales, mais les jeunes Kényans ont poursuivi leurs manifestations, réclamant le retrait total du projet. Ils accusent le gouvernement de manœuvres en
annonçant le retrait de certaines taxes tout en envisageant d'augmenter de 50 % les taxes sur les carburants pour compenser.
Dimanche, le président s'était dit prêt à dialoguer avec la jeunesse. « Je suis très fier de nos jeunes... ils se sont exprimés de manière pacifique et je veux leur dire que nous allons discuter avec eux », avait déclaré William Ruto lors d'un service religieux à Nyahururu, à plus de 150 kilomètres au nord de Nairobi. Mardi, d'autres manifestations se déroulaient pacifiquement, sans affrontement policier, dans plusieurs autres villes du pays, notamment à Mombasa, Kisumu, Eldoret, Nyeri et Nakuru, selon les médias locaux.
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