
L'histoire de la guerre en Ukraine est marquée par des combats acharnés, des souffrances humaines incommensurables et des négociations infructueuses. Pourtant, il y a deux ans, un accord secret aurait pu mettre fin au conflit en avril 2022. Cet accord, récemment révélé par le quotidien allemand Die Welt et repris par Le Figaro, suscite encore l'amertume des négociateurs ukrainiens. Ce document, oublié dans les méandres de l'histoire, pourrait-il réellement avoir changé le cours des événements ?
Un accord presque signé
Le 15 avril 2022, en pleine tourmente de l'invasion russe lancée le 24 février de la même année, un projet d'accord avait vu le jour après des négociations intensives entre la Russie et l'Ukraine. Selon le Wall Street Journal et confirmé par les déclarations de Vladimir Poutine en juin dernier, cet accord avait été élaboré lors de rencontres en Biélorussie puis en Turquie. Les représentants des deux nations avaient travaillé sans relâche pour trouver une issue pacifique à ce conflit brutal.
Le document de 17 pages comportait 18 articles qui prévoyaient des garanties de sécurité pour Kiev. En échange, l'Ukraine devait renoncer de façon permanente à rejoindre toute alliance militaire, notamment l'OTAN, et à acquérir des armes nucléaires ou à accueillir des troupes étrangères sur son sol. Cependant, l'accord n'interdisait pas à l'Ukraine de rejoindre l'Union européenne, une concession majeure pour Kiev.

Les promesses de sécurité
En contrepartie de ces renoncements, l'Ukraine aurait bénéficié d'un mécanisme de sécurité semblable à l'article 5 du traité de l'OTAN. Ce mécanisme aurait impliqué l'intervention d'États garants en cas d'attaque armée contre l'Ukraine. Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies – la Chine, les États-Unis, la Russie, la France et le Royaume-Uni – étaient envisagés comme les principaux garants de cette sécurité.
Les points de discorde : Crimée et territoires séparatistes
Malgré ces dispositions, l'accord n'abordait pas la question de la Crimée, annexée par la Russie en 2014, laissant ce territoire sous contrôle russe. Les régions séparatistes de Donetsk et Louhansk n'étaient pas non plus incluses dans l'accord. Leur statut devait être décidé ultérieurement par les présidents Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine lors d'un sommet qui n'a jamais eu lieu.

Pourquoi l'accord a-t-il échoué ?
Le rêve d'une paix rapide s'est rapidement effondré. Selon Die Welt, après les négociations du 29 mars 2022 à Istanbul, Moscou aurait introduit de nouvelles exigences que Kiev ne pouvait accepter. Parmi ces exigences, la reconnaissance du russe comme deuxième langue officielle de l'Ukraine, la levée des sanctions imposées à la Russie et l'abandon des procédures engagées contre elle à la Cour pénale internationale figuraient en bonne place.
Vladimir Poutine a accusé Kiev et ses alliés occidentaux d'être responsables de l'échec des négociations. Lors d'une rencontre avec des dirigeants africains à Saint-Pétersbourg en juin, il a affirmé que la Russie avait retiré ses troupes de Kiev conformément à l'accord, mais que les autorités ukrainiennes, influencées par leurs alliés occidentaux, avaient abandonné l'accord. Brandissant le document, il a déclaré : « Après que nous avons retiré les troupes de Kiev, comme nous l'avions promis, les autorités de Kiev, comme le font habituellement leurs maîtres, ont jeté tout cela dans les poubelles de l’histoire. »
Un futur incertain
Deux ans après ces négociations avortées, la guerre en Ukraine fait toujours rage. Le front s'est dégradé et les espoirs de paix s'amenuisent. L'échec de cet accord montre à quel point la route vers la paix est semée d'embûches et combien il est difficile de parvenir à un compromis acceptable pour toutes les parties impliquées. Le souvenir de cet accord avorté hante encore les négociateurs ukrainiens et rappelle les possibilités perdues d'une résolution rapide et pacifique du conflit.
Leçons tirées et perspectives d'avenir
L'histoire de cet accord secret souligne la complexité des conflits modernes et la difficulté de parvenir à une paix durable. Elle montre également que, même en temps de guerre, des opportunités de dialogue et de négociation existent, bien que leur succès dépende de la volonté et de la confiance mutuelle des parties en conflit.
Alors que la guerre en Ukraine continue de faire des ravages, la communauté internationale doit redoubler d'efforts pour encourager les pourparlers de paix et rechercher des solutions diplomatiques. Les leçons tirées de cet accord avorté peuvent servir de guide pour éviter les erreurs du passé et construire un avenir plus stable et pacifique pour l'Ukraine et la région.
Le chef de la délégation ukrainienne lors des pourparlers d’Istanbul, David Arakhamia, avait pour sa part désigné Boris Johnson comme coupable. Dans un entretien avec la journaliste ukrainienne Natalia MosseïtchouK, il avait affirmé en novembre que le Premier ministre britannique de l’époque s’était rendu à Kiev le 9 avril 2022, pour convaincre Volodymyr Zelensky de ne « rien signer du tout » avec la Russie. Une « absurdité totale », avait répondu Boris Johnson en janvier dans le Times, affirmant qu’il avait seulement « exprimé ses inquiétudes » quant à la nature de l’accord.
Où en sont les négociations aujourd’hui ?
Les négociations entre la Russie et l’Ukraine se sont poursuivies pendant plusieurs semaines après l’élaboration du projet d’accord, avant de s’interrompre en juin 2022, selon le Wall Street Journal.
Un nouveau cycle de négociations, autour d’un plan de paix présenté en novembre 2022 par Volodymyr Zelensky, a toutefois été lancé à l’initiative de l’Ukraine. Quatre rencontres – au Danemark, en Arabie saoudite, à Malte, et en Suisse – ont déjà eu lieu pour discuter de sa mise en œuvre. Une nouvelle conférence doit se dérouler en Suisse en juin. Plus de 160 délégations y ont été invitées, mais la Russie n’en fait pas partie « à ce stade », selon le gouvernement suisse, cité par Euractiv.

Un espoir fragile
L'accord secret de 2022 reste un rappel poignant de ce qui aurait pu être. Il symbolise à la fois l'espoir d'une paix possible et les défis insurmontables auxquels sont confrontées les nations en guerre. Alors que les négociations futures s'annoncent difficiles, il est crucial de ne pas oublier ces moments où la paix semblait à portée de main, et de continuer à travailler sans relâche pour atteindre ce but ultime.
La guerre en Ukraine nous rappelle que la paix n'est jamais une certitude, mais un objectif qui nécessite des efforts constants, de la diplomatie habile et, surtout, une volonté inébranlable de mettre fin à la souffrance et de construire un avenir meilleur pour tous.