Un premier discours sous tension
Ce mardi 1er octobre, Michel Barnier a pris la parole devant l'Assemblée nationale pour sa première déclaration de politique générale en tant que Premier ministre. Un discours attendu, prononcé dans un climat tendu. Nommé il ya près d'un mois, Barnier hérite d'une situation politique et économique explosive : une Assemblée nationale sans majorité absolue et un déficit public galopant qui pourrait atteindre 6 % du PIB d'ici la fin de l'année. La scène, marquée par une perturbation des députés de La France Insoumise (LFI), reflétait l'ambiance générale : tendue, contestataire, mais aussi pleine d'attentes.
Ce premier discours a mis en lumière les priorités du gouvernement Barnier : réduire le déficit, mieux maîtriser l'immigration, apporter des ajustements à la réforme des retraites et redonner de l'élan à la Nouvelle-Calédonie. Le tout, en tentant de fédérer une Assemblée où les oppositions, notamment du Nouveau Front Populaire (NFP), sont nombreuses et prêtes.
La dette, une épée de Damoclès : la nécessité d'un redressement fiscal
La question budgétaire est au cœur du projet de Michel Barnier. "La véritable épée de Damoclès, c'est notre dette financière colossale", at-il déclaré, avant d'annoncer un objectif ambitieux : réduire le déficit à 5 % d'ici 2025 et à 3 % en 2029. Pour atteindre cette cible , le Premier ministre mise sur une réduction des dépenses publiques, mais aussi sur un effort collectif, avec un accent mis sur les grandes entreprises et les Français les
Une « contribution exceptionnelle » sera demandée aux entreprises réalisant des bénéfices importants, et un effort similaire sera exigé des citoyens les plus riches. Cependant, Barnier a souligné qu'il veillerait à ce que les plus fragiles soient protégés dans ce processus d'austérité nécessaire. La chasse aux « doublons administratifs » et aux « fraudes » sera intensifiée pour rendre l'État plus efficace, sans nuire au soutien aux collectivités.
Vers un débat sur la proportionnelle : une réponse aux tensions politiques
Michel Barnier a également évoqué la crise de représentativité qui ébranle la scène politique française. Face à une Assemblée où les clivages sont de plus en plus marqués, le Premier ministre a appelé à une "nouvelle méthode". Il a promis d'écouter toutes les forces politiques et d'appuyer son action sur le travail parlementaire
Le sujet épineux du contrôle proportionnel, réclamé par un grand parti de la classe politique, de la gauche au Rassemblement national en passant par le Modem, a aussi été abordé. "Une réflexion sans idéologie" s'impose, a-t-il affirmé, sans pour autant préciser les contours exacts de cette réforme. Cependant, Barnier a rappelé que ce mode de contrôle était déjà en place au Sénat et dans certaines collectivités locales, laissant entrevoir une potentielle évolution du système élu.
Retraites : un dialogue à reprendre, des ajustements à envisager
La réforme des retraites, adoptée en 2023 malgré une vive opposition, reste une pièce ouverte. Michel Barnier, conscient des divisions, a appelé à "reprendre le dialogue" avec les syndicats et les partenaires sociaux. Il s'est dit prêt à apporter des "aménagements raisonnables" à cette réforme controversée, notamment sur des points cruciaux tels que l'usure professionnelle et l'égalité entre les femmes et les hommes.
Le Premier ministre a souligné que certaines limites de la loi votée pouvaient être corrigées, invitant à une réflexion collective sur des retraites plus justes et adaptées aux réalités de chacun. Ce geste d'ouverture, bien que modéré, pourrait apaiser certaines tensions, tout en maintenant le cap sur une réforme nécessaire pour l'équilibre financier du système des retraites.
Nouvelle-Calédonie : un rapport nécessaire des élections provinciales
Dans un contexte de tensions politiques et sociales en Nouvelle-Calédonie, Michel Barnier a annoncé le rapport des élections provinciales jusqu'à fin 2025. La question du dégel du corps électoral, à l'origine de nombreuses émeutes, est repoussée, offrant ainsi un répit à un archipel en crise. Le Premier ministre a exprimé son désir de s'impliquer personnellement dans ce dossier, avec l'envoi prochain d'une mission de concertation sur place L'objectif affiché est de permettre une « reconstruction économique et sociale » de la Nouvelle-Calédonie, en trouvant un consensus politique sur son avenir institutionnel. Ce rapport est vu comme une opportunité de calmer les esprits et d'engager un dialogue plus serein sur la situation de cet archipel stratégique.
IVG, mariage pour tous : les libertés conquises ne seront pas remises en cause
Face à une frange de la classe politique qui, à plusieurs reprises, a remis en question certaines avancées sociétales, Michel Barnier a été clair : il n'y aura "aucune remise en cause des libertés conquises au fil des ans". Le droit à l'IVG, le mariage pour tous et la PMA pour toutes sont des acquis qui resteront intouchables sous son gouvernement.
Ces déclarations étaient particulièrement attendues, étant donné la présence de ministres ayant historiquement exprimé leur opposition à certaines de ces mesures, comme Bruno Retailleau et Laurence Garnier. Toutefois, Barnier a fermement indiqué que ces sujets ne seront pas rouvertes, insistant sur la défense inébranlable de la laïcité, la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les violences faites aux femmes et aux personnes.
Réforme de l'assurance chômage : le renvoi aux partenaires sociaux
Le Premier ministre a fait un pas de côté sur la réforme de l'assurance chômage. Plutôt que de forcer une réforme impopulaire, Barnier a décidé de renvoyer la balle aux partenaires sociaux. Patronat et syndicats auront la responsabilité de négocier un nouvel accord sur l'indemnisation du chômage, ainsi que sur l'emploi des seniors.
Cette décision de reporter la réforme initialement prévue par le gouvernement Attal marque un changement de stratégie. Le chef du gouvernement a estimé que les partenaires sociaux sont "les mieux placés pour apporter des solutions", en appelant à une ouverture rapide des négociations.
Une augmentation du Smic pour contrer l'inflation
Dans un contexte économique tendu et face à une inflation galopante, Michel Barnier a annoncé une revalorisation anticipée du Smic de 2 % dès le 1er novembre. Cette augmentation, prévue initialement pour janvier, vise à offrir un coup de pouce aux travailleurs modestes avant la fin
Le Premier ministre a également promis des négociations rapides dans les branches où les minimas sont encore inférieurs au Smic, afin de garantir des rémunérations décentes pour tous les salariés.
Santé mentale : une grande cause nationale pour 2025
L'un des moments forts du discours de Michel Barnier a été l'annonce de la santé mentale comme "grande cause nationale" pour l'année 2025. "Les maladies psychiques touchent un Français sur cinq", a rappelé le Premier ministre, insistant. sur l'urgence de mettre en place des politiques de prévention efficaces et de soutenir les malades ainsi que leurs
La santé mentale, souvent négligée, est un enjeu crucial pour la société, et Barnier entend bien en faire une priorité nationale. Des progrès ont été réalisés, mais "beaucoup reste à faire" pour améliorer les modes d'accompagnement des malades, renforcer les moyens déployés à la recherche et assurer un suivi plus adapté.
Immigration : des mesures plus fermes à venir
La question de l'immigration reste un point sensible de la politique gouvernementale. Michel Barnier a exprimé sa volonté de mieux maîtriser les flux migratoires et de durcir les conditions pour certains pays réticents à reprendre leurs ressortissants expulsés de France. Le Premier ministre envisage de restreindre encore davantage l'octroi de visas pour ces États. Dans la même veine, Barnier a promis de faciliter la prolongation exceptionnelle de la rétention des étrangers en situation irrégulière, marquant ainsi un durcissement de la politique migratoire.
Sécurité et justice : des peines plus courtes et une justice plus rapide
En matière de justice, Michel Barnier a affiché sa détermination à réduire les délais de jugement. Pour cela, il prévoit la construction de nouveaux lieux de prison, une nécessité alors que le taux de densité carcérale dépasse les 127 %. Mais ce n'est pas tout : Barnier a annoncé qu'il proposera des peines de prison courtes pour certains délits, tout en limitant les possibilités d'aménagement de peines.
Le Premier ministre a aussi mis l'accent sur la lutte contre la violence des mineurs. Une réflexion sur l'excuse de minorité sera retenue, avec une possible procédure de comparaison immédiate pour les jeunes de plus de 16 ans
Enfin, Michel Barnier a conclu son discours en appelant à "reprendre le dialogue" sur le projet de loi concernant la fin de vie. L'examen de cette législation avait été suspendu en juin dernier, mais le Premier ministre souhaite rouvrir ce débat délicat avec le Parlement.
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