Le jeu dangereux des menaces
Les tensions montent à un niveau explosif au Moyen-Orient. Mardi, l'armée israélienne a annoncé avoir validé des plans d'attaque contre le Liban, dans un contexte de montée des tensions transfrontalières avec le Hezbollah parallèlement au conflit en cours à Gaza. «Nous sommes très proches du moment de la décision de changer les règles […] Dans une guerre totale, le Hezbollah sera détruit et le Liban sera sévèrement touché.» Cette déclaration incendiaire du ministre israélien des Affaires étrangères, Israël Katz intervien tdans un contexte déjà tendu, où chaque mot et chaque geste peuvent déclencher un conflit dévastateur.
Cette décision survient pendant la visite d'Amos Hochstein, envoyé spécial du président américain Joe Biden, dans la région afin de diminuer les tensions à la frontière entre Israël et le Liban ce que n'a pas manqué de faire remarquer Hassan Nashrallah le leader du Hezbollah, puissant groupe para-militaire basé au Liban. Quelles sont les implications de cette nouvelle escalade ?
Israël doit se préparer à nous affronter par terre, par mer et par air
Hassan Nasrallah, le leader charismatique et redouté du Hezbollah, ou chacune de ses interventions est particulièrement écoutée par la rue arabe, et particulièrement d'Israël à répondu mercredi lors d'un discours belliqueux, retransmis mercredi en direct à la télévision, qu'en cas d'invasion du Liban par Tsahal, Israël "doit se préparer à nous affronter par terre, par mer et par air". Il a promis une réponse sans précédent : une guerre totale non seulement contre Israël mais aussi contre Chypre. Cette déclaration lapidaire vise à dissuader toute action militaire israélienne, tout en démontrant la portée stratégique du Hezbollah. L'avertissement ajoute qu'« aucun endroit » en Israël ne serait à l'abri des missiles de son organisation si les autorités israéliennes mettaient leurs menaces d'attaquer le Liban à exécution. Hassan Nasrallah a également menacé Chypre, membre de l'Union européenne, qui maintient de bonnes relations avec le Liban et Israël. «Nous avertissons le gouvernement de Nicosie l'utilisation des aéroports et des bases chypriotes par l'ennemi israélien pour attaquer le Liban signifierait que le gouvernement chypriote prendrait part à la guerre ». Le mouvement libanais affime disposer « d'informations certaines » selon lesquelles les soldats israéliens s’entraînent sur l’île, « dont la géographie est similaire à celle du Liban-Sud ». "L'ennemi (israélien) sait très bien que nous sommes préparés au pire (...) Il sait qu'aucun endroit (...) ne sera épargné par nos missiles », ajouté Hassan Nasrallah. Dans une partie de son discours, il a affirmé que « l'ennemi redoute véritablement que la Résistance envahisse la Galilée » dans le nord d'Israël, ajoutant que cela constituait "une possibilité (...) dans le cadre d'une guerre qui pourrait être imposée au Liban ".
Le leader du Hezbollah insite sur le fait que son mouvement n'avait utilisé « qu'une fraction de son arsenal » depuis l'ouverture du front sud du Liban le 8 octobre, en soutien au Hamas, à Gaza. Il a également déclaré que son organisation dispose de plus de 100 000 combattants prêts à intervenir, sans compter l'appui des Gardiens de la Révolution iraniens déjà présents en Syrie. Enfin Hassan Nashrallah a précisé que « Nous avons acquis de nouvelles armes, amélioré certaines de nos armes (...) et nous en réservons d'autres pour les jours à venir » Ces déclarations surviennent alors que les spéculations battent leur plein, notamment en Israël, sur les capacités militaires réelles du Hezbollah. Ces dernières semaines, pour la première fois de son histoire, le groupe a utilisé des missiles sol-air, contraignant des avions de chasse israéliens à se replier. Par ces propos, le chef du Hezbollah semble donc répondre à ceux qui doutent de la capacité de sa milice à abattre ces avions, ainsi qu'aux questions sur son arsenal de missiles de longue portée et sa capacité à frapper des cibles en profondeur. " L'ennemi sait qu'en cas de guerre, aucun endroit ne sera à l'abri de nos missiles et drones", a-t-il affirmé. "Nous avons une banque complète et précise de cibles, que nous sommes capables de frapper et de déstabiliser les fondations de cette
entité. " En outre, dans la bataille de communication, le mouvement libanais a diffusé des images de drones survolant le port de Haifa, une importante ville du nord, et d'autres bases militaires israéliennes. " Nos drones ont pu capturer pas moins de 9 heures de vidéo au-dessus de Haïfa, et nous allons bientôt publier des vidéos d'autres villes, situées au-delà de Haïfa ." Il a repris l'expression célèbre utilisée lors de la guerre de juillet 2006, où il menaçait de bombarder les grandes villes israéliennes. La capacité des drones du Hezbollah, à pénétrer à environ quarante kilomètres à l'intérieur d'Israël, a soulevé des questions sur l'efficacité des systèmes de défense israéliens. Il a également mis en avant la capacité du Hezbollah à recueillir des renseignements sur les positions et sites israéliens, alors qu'Israël semble avoir pris l'avantage dans la guerre de l'information, multipliant les frappes ciblées contre des sites et des leaders du mouvement depuis octobre.
Chypre : Le calcul stratégique du Hezbollah
Pourquoi Chypre, un pays relativement neutre, se retrouve-t-il dans la ligne de mire ? La réponse réside dans la présence militaire israélienne sur l'île et l'utilisation de bases chypriotes pour des opérations dans la région. Nasrallah voit en Chypre un prolongement de la menace israélienne et un point stratégique clé. En menaçant Chypre, il élargit le champ de bataille potentiel, rendant toute intervention militaire israélienne encore plus complexe et risquée.
Le Hezbollah ne joue pas seulement sur le terrain militaire mais aussi sur le terrain psychologique. La menace de guerre totale vise à semer la peur et l'incertitude non seulement en Israël, mais aussi parmi ses alliés. En élargissant le conflit potentiel à Chypre, Nasrallah espère diviser les forces ennemies et compliquer leurs plans de défense. Ce calcul stratégique place l'île dans une position inconfortable en régionalisant le conflit, ce qui impose une équation supplémentaire pour les Occidentaux dans leur soutien à Israël. De son côté, le président chypriote Nikos Christodoulides a répondu aux déclarations de Hassan Nasrallah en affirmant que ses propos "ne reflètent pas la position de Chypre et que le pays est engagé à être une partie de la solution régionale". Il a souligné que Chypre est "reconnue internationalement pour des initiatives humanitaires telles que le corridor maritime Chypre-Gaza, facilitant l'aide à Gaza, et maintient des voies diplomatiques ouvertes avec le Liban et l'Iran".
Le gouvernement Israëlien dans l'impasse ?
Face à cette menace, Le gouvernement israélien sous pression nationale et internationale dans sa guerre à Gaza face au Hamas, doit peser soigneusement ses options : une attaque pourrait déclencher une guerre dévastatrice, et surtout internationaliser le conflit. Ne pas réagir serait perçu comme une faiblesse. Les alliés occidentaux d'Israël, notamment les États-Unis, suivent de près cette montée des tensions. Washington, tout en affirmant son soutien à Israël, appelle à la retenue et cherche des moyens diplomatiques pour désamorcer la situation. «Les Américains savent ce que cela signifierait pour la région" à précisé Nasrallah. Cependant, la réalité sur le terrain pourrait nécessiter un soutien militaire accru, et la présence de forces occidentales en Méditerranée, pourrait devenir un élément clé de dissuasion ou de provocation.
Le Liban au bord de l'abîme
Pendant ce temps, le Liban, déjà fragilisé par une crise économique et politique profonde, se retrouve pris au piège entre le Hezbollah et les menaces israéliennes. La population libanaise, épuisée par des années de conflit et de dévastation, regarde avec angoisse la possibilité d'un nouveau conflit. Les autorités libanaises, en proie à des divisions internes, sont impuissantes face à l'influence du Hezbollah. La communauté internationale, consciente des répercussions potentielles d'une guerre totale au Moyen-Orient, intensifie ses appels à la négociation et à la paix. Des voix s'élèvent aux Nations Unies pour condamner les provocations et appeler à une désescalade immédiate. Cependant, l'efficacité de ces appels dépend largement de la volonté des parties impliquées de revenir à la table des négociations.
Le Moyen-Orient sur un volcan
Si les menaces du Hezbollah et d'Israel se concrétisent, les conséquences seraient catastrophiques. Un conflit régional pourrait rapidement se transformer en une guerre élargie, impliquant plusieurs nations dont la Syrie, l'Irak, le Yemen et l'Iran et provoquer des destructions massives. Les experts militaires prévoient des scénarios de frappes aériennes, de combats terrestres intenses et de pertes humaines significatives. Une guerre totale changerait à jamais le visage du Moyen-Orient.
Malgré cette rhétorique guerrière, le chef du Hezbollah a néanmoins affirmé « ne pas désirer une guerre totale ».
« Nous sommes un front de soutien pour Gaza », a-t-il souligné. Il a ajouté que ceux qui les menacent de guerre, y compris les Américains qui s'inquiètent pour l'entité ennemie, doivent savoir qu'ils ne reculeront pas et sont prêts à toutes les éventualités. « La solution est simple : Arrêtez la guerre à Gaza », a-t-il conclu.
Depuis la guerre de 2006, les deux ennemis n'ont cessé de se défier, transformant la frontière en un champ de bataille potentiel. L'occupation des terres libanaises par Israël constitue une menace existentielle pour les Libanais. Dès lors, les mouvements militaires et les échanges de tirs sporadiques ont ravivé les souvenirs douloureux de cette période sanglante ; aujourd'hui, la situation est plus explosive que jamais. L'avenir du Moyen-Orient est incertain. En définitive, les prochains jours et semaines seront cruciaux pour déterminer si la diplomatie peut triompher de la guerre, qui pour certains semble inévitable. La région se dirige vers une nouvelle ère de conflit dévastateur, où les conséquences ne se limiteront pas au Moyen-Orient. Dans ce jeu dangereux des menaces, chaque mouvement, chaque parole, pourrait être de trop.
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