Chicago, ville des vents, s'apprête à devenir le théâtre d'un moment historique : la Convention nationale du Parti démocrate, du 19 au 22 août, s'annonce comme le couronnement attendu de Kamala Harris. Pourtant, cette grand-messe politique qui doit consacrer la première femme de couleur candidate à la présidence des États-Unis n’est pas exempte de tensions. Derrière les discours d'unité, des remous grondent, rappelant les tumultes d’une époque que beaucoup croyaient révolue.
Un couronnement annoncé mais controversé
Traditionnellement, la Convention démocrate est le moment où les délégués votent pour officialiser leur choix du candidat à la présidence. Mais cette fois-ci, le scénario a pris une tournure inattendue. Joe Biden, le président en exercice, a renoncé à briguer un second mandat, ouvrant ainsi la voie à Kamala Harris, sa vice-présidente, et Tim Walz, son colistier. Mais ce n'est pas sur les planches de la Convention que ce duo a été consacré. Non, leur nomination a eu lieu en amont, dans le secret feutré d’un vote en ligne début août, loin des projecteurs et des acclamations de la foule. Une décision qui, bien qu'efficace, n'a pas manqué de susciter des critiques.
Pour beaucoup, la Convention démocrate n’est plus qu’un simulacre, une mise en scène où les dés sont pipés d’avance. Depuis les années 1970, après les événements chaotiques de 1968, les conventions du parti se sont transformées en simples couronnements. Cette année, avec le retrait surprise de Joe Biden, le Comité national démocrate a pris les devants, organisant un vote virtuel pour Kamala Harris et Tim Walz, évitant ainsi tout risque juridique et assurant la légitimité de la nouvelle candidate. Mais ce vote anticipé a laissé un goût amer à certains, qui y voient une manœuvre pour étouffer la moindre dissidence et imposer un choix sans réelle consultation des bases.
L'unité par le choix d’un duo stratégique
Les critiques se sont néanmoins vite estompées face à la réalité politique : Kamala Harris était de loin la candidate la plus préparée pour prendre la relève de Joe Biden. En tant que vice-présidente, elle avait non seulement l’avantage d’accéder facilement aux fonds de campagne déjà collectés par le président, mais elle bénéficiait aussi de son soutien explicite. Dès l’annonce de son désistement, Biden a apporté son soutien à Harris, rendant toute tentative de concurrence quasiment impossible. Les délégués, bien qu’en théorie libres de leur vote, se sont rapidement alignés, unis par l’urgence de préparer un front commun contre Donald Trump.
Mais l’unité du parti ne tenait pas qu’à la candidature de Kamala Harris. Le choix de Tim Walz comme colistier a également joué un rôle crucial. Ancien gouverneur du Minnesota, Walz est un modéré capable de rassembler au-delà des divisions internes du parti. Son choix, annoncé avant même le début de la Convention, était une stratégie claire pour désamorcer les tensions entre les différentes factions du parti, notamment entre les modérés et les progressistes. En se présentant ensemble, Harris et Walz envoient un message fort : le Parti démocrate est prêt à se battre, uni, contre Donald Trump.
Une Convention sous le signe de l’unité
Pendant ces quatre jours de Convention, l’objectif sera de montrer au monde un parti uni, prêt à relever les défis qui l'attendent. Les discours, en prime time, seront soigneusement calibrés pour faire passer ce message. Traditionnellement, le candidat à la présidence clôture l'événement par un discours fort, et cette année ne fera pas exception. Kamala Harris, en tant que future candidate officielle, aura la lourde tâche de galvaniser les troupes, de présenter sa vision pour l'avenir des États-Unis, et de convaincre les électeurs qu'elle est prête à succéder à Joe Biden.
Mais la Convention ne se limitera pas à de simples discours. Le programme sera dense, alternant entre moments de réflexion collective et démonstrations d'unité. Le matin et l’après-midi seront consacrés aux « caucus et conseils », où les membres du parti discuteront des questions de campagne et des stratégies pour séduire des électorats spécifiques. Ces réunions seront l’occasion de finaliser le programme du parti, un document qui résumera les valeurs démocrates et les engagements pour les prochaines élections. Des thèmes comme le climat, la justice sociale, et la lutte contre les inégalités y occuperont une place centrale, malgré le fait que certains sujets, pourtant chers à la base, risquent de rester en retrait dans les grands discours publics.
Le spectre des contestations
Si, à l'intérieur, l'unité sera le mot d'ordre, à l'extérieur, le climat sera bien différent. Un groupe d'organisations de gauche, la « Coalition to March on the DNC », a déjà annoncé son intention de manifester contre la Convention, protestant notamment contre le soutien de l'administration démocrate à Israël dans le conflit à Gaza. Le lieu choisi pour ces manifestations, le Grant Park de Chicago, est lourd de symbolisme. C'est là même qu’en 1968, des affrontements violents avaient éclaté entre manifestants et forces de l’ordre, marquant durablement l’histoire du Parti démocrate.
Cette fois, les autorités ont pris les devants. Larry Snelling, le surintendant de la police de Chicago, a assuré que les forces de l'ordre sont prêtes et respecteront le droit constitutionnel de manifester. Mais le climat reste tendu, notamment dans l'État-pivot du Michigan, où une partie de la communauté arabo-musulmane menace de ne pas soutenir le Parti démocrate en raison de la politique de l'administration Biden vis-à-vis du conflit israélo-palestinien. Une question épineuse pour Kamala Harris, qui devra choisir avec soin ses mots lors de la Convention. Osera-t-elle se démarquer de Joe Biden en s’opposant à l’envoi d’armes à Israël, comme le réclament les manifestants ? Rien n'est moins sûr, et cette ambiguïté pourrait bien compliquer la tâche de la candidate pour rassembler l'ensemble de l'électorat démocrate.
Une campagne sous haute tension
L’ombre des contestations plane donc sur cette Convention, rappelant que l’unité affichée par le Parti démocrate pourrait bien se révéler fragile. Les prochains mois s'annoncent décisifs pour Kamala Harris et Tim Walz, qui devront convaincre non seulement leur base mais aussi les indécis, tout en évitant les pièges tendus par leurs adversaires. La route vers la Maison-Blanche est semée d'embûches, et cette Convention à Chicago pourrait bien être le premier test d’une campagne sous haute tension.
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