Deux ans après la mort tragique de Mahsa Amini, le climat en Iran reste tendu, oppressif, et marqué par un désir inextinguible de changement. Cette jeune femme de 22 ans, arrêtée en septembre 2022 pour avoir enfreint les règles strictes du port du voile, a été le point de départ d’une révolte populaire qui, bien que sévèrement réprimée, continue de marquer les esprits. Si la ferveur des manifestations s’est dissipée, le régime iranien n’a pas retrouvé sa stabilité, et un parfum de rébellion flotte encore sur le pays. Mais ce soulèvement, mené par des femmes et des jeunes, aura-t-il un jour raison de la théocratie au pouvoir ?
Le poids des exécutions et de la répression
Depuis le début des manifestations, la réponse des autorités a été d’une brutalité sans nom. Au moins 551 personnes ont perdu la vie, et des milliers d’autres ont été emprisonnées. Les opposants au régime, qu’ils soient en exil ou derrière les barreaux, n’ont de cesse de croire que leur combat n’aura pas été vain. Cependant, les forces du pouvoir sont plus impitoyables que jamais. En août dernier, Gholamreza Rasaei, un homme de 34 ans, a été pendu, marquant la dixième exécution liée aux manifestations sous la présidence du nouveau président, Massoud Pezeshkian.
Cette vague d’exécutions n’est pas limitée aux manifestations : elle touche l’ensemble de la société, visant à instaurer un climat de terreur. Le régime multiplie les condamnations à mort, espérant briser toute velléité contestataire. Parmi les voix qui dénoncent ces injustices, celle de Narges Mohammedi, lauréate du prix Nobel de la paix 2023, emprisonnée depuis 2021. Depuis la prison d’Evine, elle a lancé un appel à la grève de la faim avec 34 autres prisonnières, symbolisant le courage et la résistance face à la machine répressive iranienne.
Un régime à l’impunité intacte
Le pouvoir iranien, malgré les dénonciations internationales, continue de sévir en toute impunité. L’organisation Iran Human Rights (IHR), basée en Norvège, rapporte qu’au moins 402 personnes ont été exécutées au cours des huit premiers mois de l’année 2024. Ce chiffre illustre la violence d’un régime qui refuse toute remise en question. Amnesty International et Human Rights Watch alertent sur le sort des proches des victimes. Ces familles, qui osent demander des comptes, sont elles-mêmes traquées, harcelées et parfois même arrêtées sur des accusations fabriquées de toutes pièces.
Un exemple poignant est celui de Mashallah Karami, père de Mohammad Mehdi Karami, exécuté en janvier 2023 à seulement 22 ans. Pour avoir tenté de sauver la vie de son fils, Mashallah Karami a été condamné à neuf ans de prison. Ce double acharnement, où le régime détruit non seulement la vie d’un individu mais aussi celle de sa famille, est une tactique courante pour réduire au silence toute tentative de contestation.
Le port du hijab, une bataille symbolique
Au-delà des vies brisées, la question du port obligatoire du voile reste au cœur de la lutte. Les femmes iraniennes, en première ligne de la contestation, continuent de défier l’autorité en s’opposant à cette obligation vestimentaire. Ce symbole de contrôle religieux sur les corps féminins est devenu un champ de bataille entre l’État et la société civile. Pour contenir cette rébellion silencieuse, les autorités ont renforcé les patrouilles dans les espaces publics, les voitures, et même les foyers privés. Une nouvelle loi sur « la chasteté et le hijab » devrait bientôt être adoptée, intensifiant encore plus cette surveillance omniprésente.
Les technologies de reconnaissance sont désormais utilisées pour cibler les femmes dans leurs véhicules, espace autrefois considéré comme une zone de liberté. Les autorités ne se contentent plus de menaces verbales : des vidéos montrent des scènes où les forces de l’ordre infligent des coups et des gifles aux femmes qui osent ne pas se plier aux règles. Cette violence constante vise à étouffer la révolte, mais elle ne fait que renforcer la détermination des Iraniennes.
Un régime toujours contesté
Malgré l'apparente stabilité du régime, la répression des manifestations a révélé des fissures profondes. En mars dernier, une enquête de l'ONU a qualifié cette répression de « crimes contre l’humanité ». Cependant, aucun responsable iranien n’a été traduit en justice. L’impunité continue de régner, tandis que les dirigeants iraniens peinent à restaurer leur légitimité. Roya Boroumand, cofondatrice du Centre Abdorrahman Boroumand, estime que le régime n’a pas réussi à rétablir l’ordre ni à se réconcilier avec la population. « De nombreuses jeunes femmes restent contestataires », affirme-t-elle, soulignant l’énergie persistante de cette jeunesse qui refuse de se plier aux dictats religieux.
À l’étranger, le mouvement de soutien reste fort, notamment à Paris où des centaines de personnes se sont rassemblées récemment pour apporter leur appui à la société civile iranienne. Mais ce soutien international ne suffit pas toujours à pallier les divisions internes au sein de l'opposition iranienne, trop hétéroclite et souvent désorganisée pour constituer une véritable menace pour le régime. Pourtant, l’espoir persiste, porté par ces voix dissidentes, courageuses, qui rêvent d’un Iran libéré du joug théocratique.
Un futur incertain, mais plein d’espoir
Deux ans après la mort de Mahsa Amini, le bilan est sombre, mais le feu de la révolte n’est pas éteint. Si les manifestations ont perdu en intensité, les idées qu’elles portent continuent de circuler, surtout parmi les jeunes et les femmes. La répression ne fait que retarder l’inévitable : une soif de liberté et de justice grandissante dans le cœur du peuple iranien. Le régime tente de maintenir son emprise par la peur, mais les Iraniens, fatigués de cette oppression, continuent de se battre pour un avenir meilleur. La question n’est pas de savoir si le changement viendra, mais quand il surviendra.
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