Un Voyage Inédit Vers Paris
C’est une première sortie du continent africain qui retient l’attention de tous. Le président sénégalais fraîchement élu, Bassirou Diomaye Faye, se rend à Paris. Bien que cette visite ne soit pas officielle, l'occasion est de taille : une rencontre avec Emmanuel Macron en marge du Forum mondial pour la souveraineté et l'innovation vaccinales. Plusieurs leaders africains, dont Paul Kagame du Rwanda et Nana Akufo-Addo du Ghana, participent également à cette conférence internationale.
Un Déjeuner Sous Haute Surveillance
"Il ne s’agit pas d’une visite officielle, mais d’un déjeuner pour faire connaissance", souligne l’entourage de Faye, conscient des critiques potentielles. La moindre visite à l'Élysée d'un dirigeant africain suscite souvent des accusations de vassalité. Cependant, cette rencontre symbolique dépasse la simple courtoisie.
Une Rencontre Symbolique
Cette entrevue a un poids symbolique particulier, les relations entre le Sénégal et la France étant empreintes de méfiance. Le parti Pastef, au pouvoir depuis 2014, prône le panafricanisme et s'oppose vigoureusement à la présence française et au franc CFA, perçu comme un vestige du colonialisme. Après une campagne présidentielle marquée par la promesse de rupture, Bassirou Diomaye Faye adopte désormais un discours de coopération fondée sur le respect mutuel.
Respect Mutuel et Nouvelle Diplomatie
Le président Faye et son équipe insistent sur le changement de ton. À mi-mai, Ousmane Sonko, Premier ministre et allié politique de Faye, critiquait ouvertement la politique africaine de Macron lors de la visite de Jean-Luc Mélenchon à Dakar. "Nous y avons presque cru lorsque le président Macron déclinait la nouvelle doctrine africaine de l’Elysée," déclarait Sonko, soulignant les contradictions entre discours et actions.
Paris Reste Calme
Les propos de Sonko n’ont pas engendré de réaction officielle de Paris. "C’est le chef de parti qui s’est exprimé, pas le président Faye", minimise un officiel français, préférant saluer la leçon de démocratie donnée par le Sénégal lors de ses dernières élections.
Un Partenariat en Évolution
"Nous réservons notre premier voyage hors d’Afrique à la France", note un proche conseiller de Faye, illustrant la volonté de renforcer les liens tout en reconnaissant la nécessité d'évolution. Pour Paris, il s’agit d’être "à l’écoute" des nouvelles priorités sénégalaises, que ce soit en matière de développement, de formation des jeunes ou de gestion des flux migratoires.
Une Opportunité de Redéfinir les Relations
Pour l’Élysée, ce déjeuner est une occasion d’initier une redéfinition de la relation bilatérale. "Notre objectif est de nous assurer que notre aide au développement corresponde aux priorités des nouvelles autorités sénégalaises", explique une source présidentielle française. Cette approche vise à tuer l’activisme panafricaniste radical, comme celui de Nathalie Yamb, en privilégiant une coopération mutuellement bénéfique.
Renforcer la Stature Internationale
Du côté sénégalais, on espère que cette rencontre renforcera la stature internationale du président Faye, qui a déjà effectué neuf voyages en Afrique et commencé à jouer un rôle de médiateur au sein de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao).
La Présence Militaire Française en Question
Un sujet épineux pourrait être abordé : l’avenir des 320 soldats français stationnés à Dakar. Alors que le Pastef critique régulièrement cette présence militaire, les deux pays cherchent un terrain d’entente sur la reconfiguration des forces. "Combien d’hommes pourront rester au Sénégal ? Pour quelles missions ?" sont des questions clés qui seront discutées.
La Mémoire et le Massacre de Thiaroye
La question mémorielle est également cruciale. Le massacre des tirailleurs de Thiaroye en 1944, où des dizaines de soldats africains furent exécutés par les forces françaises pour avoir réclamé leur solde, demeure une plaie ouverte. François Hollande avait reconnu la responsabilité de la France en 2012, mais certains au Sénégal attendent davantage de Macron.
Vers une Reconnaissance Accrue ?
Aïssata Seck, présidente de l’Association pour la mémoire et l’histoire des tirailleurs sénégalais, propose des gestes symboliques forts : panthéoniser un ancien tirailleur africain, inscrire "morts pour la France" sur leurs tombes, ou encore présenter des excuses lors des commémorations de décembre. "M. Macron peut aller plus loin", espère-t-elle, malgré les tensions politiques en France.
Un Nouveau Départ
Cette rencontre entre Bassirou Diomaye Faye et Emmanuel Macron pourrait marquer le début d’une nouvelle ère dans les relations franco-sénégalaises. Entre désir de coopération et nécessité de redéfinition, les enjeux sont élevés pour les deux nations. Tandis que Paris et Dakar s’apprêtent à tourner une page, le monde observe, curieux de voir comment ces deux leaders parviendront à naviguer entre histoire et modernité.
Comments