Autriche : Victoire historique de l'extrême droite, mais le chemin vers le pouvoir reste incertain
- James Keou: 🔷 Directeur de Publication
- 30 sept. 2024
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Dernière mise à jour : 30 sept. 2024

Un tournant historique pour l'extrême droite en Autriche
L’Autriche vient de vivre un bouleversement politique majeur. Le Parti de la liberté d'Autriche (FPÖ), formation d'extrême droite, a triomphé lors des élections législatives, devançant les conservateurs du chancelier Karl Nehammer. Avec 28,8 % des suffrages, le FPÖ réalise un lien spectaculaire de près de 13 points par rapport à 2019, une performance historique. Herbert Kickl, le chef du parti, n'a pas manqué de célébrer cette victoire comme une nouvelle ère pour l'Autriche : « Ce que nous avons accompli dépasser mes rêves les plus fous », at-il déclaré devant une foule euphorique à Vienne . Cependant, malgré cette avancée électorale impressionnante, rien ne garantit que Kickl accède à la chancellerie. Le chemin vers le pouvoir reste jonché d'incertitudes.
Un succès porté par la montée des radicalismes en Europe
Le FPÖ ne s'est pas contenté de remporter une élection ; il a surfé sur une vague qui balaie actuellement l'Europe. En Italie, aux Pays-Bas et même en France, les partis d'extrême droite connaissent une popularité grandiose. Marine Le Pen, figure de proue du Rassemblement national, n'a d'ailleurs pas tardé à saluer la victoire autrichienne sur les réseaux sociaux, le qualificatif de « lame de fond » qui triomphe partout en Europe. Cet engouement, largement nourri par des craintes sociales et économiques, trouve un écho particulier en Autriche, où les électeurs, frappés par l'inflation et les tensions migratoires, ont été séduits par les propositions radicales du FP.
Le chancelier Nehammer face à la déroute
Du côté des conservateurs, la défaite a eu l'effet d'une douche froide. Avec 26,3 % des voix, l'ÖVP de Karl Nehammer voit son emprise sur le pouvoir vaciller, un choc pour un parti habitué à gouverner le pays presque sans interruption depuis 1987. Nehammer n'a pas caché sa déception devant ses partisans, regrettant amèrement de ne pas avoir réussi à rattraper l'extrême droite dans la course aux suffrages. Ce coup dur vient aussi entériner la fin de l'alliance avec les Verts, dont le score décevant de 8,3 % laisse présager un divorce inéluctable. L'éclatement de cette coalition écolo-conservatrice ouvre la voie à des scénarios politiques inédits.
Herbert Kickl : un leader controversé mais déterminé
Malgré son succès, Herbert Kickl ne peut pas encore se déclarer victorieux sur tous les fronts. L'homme est considéré comme trop radical pour former une coalition gouvernementale viable. Aucun parti n'a, pour l'instant, exprimé un désir clair de s'allier avec le FPÖ. Kickl, pourtant, tend la main à ses adversaires politiques, insistant sur le fait que ses électeurs ne devraient pas être traités comme des citoyens de « second rang ». L'extrême droite autrichienne, laminée en 2019 par le scandale de corruption « Ibizagate », a fait son retour en force sous l'impulsion de Kickl, un ancien ministre de l'Intérieur à la rhétorique provocatrice.
Entre nostalgie et provocations : le « chancelier du peuple »
Kickl, personnage controversé, a bâti son succès sur des thématiques clivantes. Proche de certains groupes extrémistes, il aspire à se faire appeler « Volkskanzler », ou « chancelier du peuple », un titre chargé de résonances historiques lourdes. Il propose notamment de déchoir de leur nationalité certains Autrichiens d'origine étrangère et d'intensifier la « remigration », un terme largement repris dans les cercles nationalistes européens. Son opposition farouche aux mesures anti-Covid et aux sanctions contre la Russie, ainsi que ses propositions conspirationnistes, lui ont permis de capter une part importante des électeurs antivax et des classes les plus vulnérables frappées par la crise économique. À 55 ans, cette stratégie politique n'a laissé aucun sujet tabou pour séduire une frange de la population en quête de réponses radicales.
Le pouvoir, mais à quel prix ?
Si la victoire électorale du FPÖ est incontestable, la formation d'un gouvernement reste une énigme. Karl Nehammer, bien que réticent à s'allier avec l'extrême droite, n'a pas exclu totalement cette option. Les conservateurs pourraient opter pour une coalition avec le FPÖ, comme cela s'est déjà produit en 2000 et en 2017. Cependant, le FPÖ accepterait-il de jouer les seconds rôles ? Peu probable. Une autre solution pourrait être l'alliance des conservateurs avec les sociaux-démocrates et les libéraux de Neos, ouvrant la voie à une coalition à trois inédite dans l'histoire autrichienne.
L'Autriche est donc à un carrefour politique. D'un côté, une extrême droite en plein essor, mais isolé. De l'autre, des conservateurs affaiblis, mais encore capables de manœuvrer. Le futur gouvernement autrichien sera-t-il l'allié de la droite dure, ou tentera-t-il de maintenir un équilibre fragile au centre ? Une chose est sûre : le paysage politique autrichien ne sera plus jamais le même après ce examen historique.
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