Allemagne : le rétablissement des contrôles aux frontières ravive le débat sur l'immigration
- James Keou: 🔷 Directeur de Publication
- 16 sept. 2024
- 3 min de lecture

L'Allemagne, pilier de l'Union européenne, a pris une décision radicale. Lundi dernier, Berlin a rétabli les contrôles à toutes ses frontières pour une durée de six mois. Ce retour aux vérifications, qui concernent notamment la France, le Luxembourg, la Belgique, les Pays-Bas et le Danemark, s'ajoute à celles déjà en vigueur avec la Pologne, l'Autriche, la Suisse et la République tchèque. Un acte qui pourrait déclencher un effet domino dans l’ensemble de l’Union européenne, ravivant les tensions sur la question migratoire.
Des frontières sous haute surveillance
Officiellement, les contrôles aux frontières intérieures de l'espace Schengen sont interdits, sauf en cas de menace grave pour l'ordre public ou la sécurité. L’Allemagne a subi la menace du terrorisme islamiste et de la criminalité transfrontalière pour justifier cette mesure. Cette décision intervient alors que le pays a récemment été secoué par une série d'attaques perpétrées par des étrangers, dont un attentat au couteau à Solingen, revendiqué par l'État islamique, qui a coûté la vie à trois personnes.
Pour Werner Rendigs, un retraité allemand de 75 ans vivant près de la frontière franco-allemande, ces mesures sont non seulement compréhensibles, mais nécessaires. "Il faut bien lutter contre l'insécurité", affirme-t-il, soulignant l'importance de ces contrôles pour protéger les citoyens. Son avis est partagé par de nombreux habitants des régions frontalières, bien que certains craignent les perturbations qu'elles pourraient engendrer.
Un climat politique sous tension
L’Allemagne n’agit pas seulement pour des raisons de sécurité. Cette décision s'inscrit dans un contexte politique brûlant. Après avoir accueilli plus d'un million de réfugiés syriens en 2015-2016 et plus d'un million d'exilés ukrainiens depuis le début de la guerre avec la Russie, le gouvernement d'Olaf Scholz se retrouve sous une pression croissante. Avec une extrême droite en pleine ascension, marquant des points lors des récentes élections régionales, la question migratoire est devenue un enjeu central pour le chancelier.
Une Europe divisée
Les répercussions de ce retour aux contrôles frontaliers ne se limitent pas à l'Allemagne. Les voisins européens réagissent vivement. En Autriche, le ministre de l'Intérieur a fermement déclaré que Vienne n'accepterait pas les personnes refoulées d'Allemagne. En Pologne, cette mesure a été qualifiée d'"inacceptable", tandis qu'en Grèce, qui fait face à une pression migratoire constante à ses propres frontières, le gouvernement a souligné que la réponse ne pouvait être une simple fermeture unilatérale de Schengen.
La Commission européenne, quant à elle, a rappelé que ces mesures devaient rester "strictement exceptionnelles" et "proportionnées", craignant un éclatement de l'espace Schengen, pierre angulaire de la libre circulation en Europe. Pour Jan Augustyniak, membre du conseil municipal de Francfort-sur-l'Oder et du parti Die Linke, la solution n'est pas dans la fermeture des frontières, mais dans une coopération européenne renforcée. "Chaque État ne peut pas faire cavalier seul", avertit-il.
Un tournant pour l'Allemagne et l'Europe ?
Cette décision allemande marque un tournant, non seulement pour le pays, mais pour l'ensemble de l'Europe. Pendant des années, l'Allemagne a été perçue comme un modèle d'ouverture et d'accueil. Mais aujourd'hui, sous la pression d'une crise migratoire qui semble sans fin et d'une opposition interne grandiose, Berlin a choisi de renforcer ses frontières.
Le retour des contrôles, bien qu'il soit temporaire, pourrait redéfinir la politique migratoire européenne pour les années à venir. L'avenir de l'espace Schengen, tout comme celui de la libre circulation, est aujourd'hui en jeu. Avec des élections importantes à venir, la situation en Allemagne sera enregistrée de près, car elle pourrait servir de test pour le reste du continent.
L'Allemagne, autrefois leader de l'ouverture, se trouve désormais à la croisée des chemins. Reste à savoir si ce retour aux frontières fermées est une simple parenthèse ou le prélude à un changement plus durable dans la politique